Le 22 février dernier, EDF annonçait que des soudures du circuit secondaire de l’EPR qui évacue la vapeur des générateurs de vapeur vers la turbine n’avaient pas la qualité requise. La compagnie n’avait pas informé les sous-traitants des exigences dite de « haute qualité » dans la réalisation de ces circuits. Oups.
Ces écarts ont été identifiés en deux temps, d’abord en 2015, sur des soudures réalisées en usine, puis en 2017 sur les soudures réalisées sur le chantier de l’EPR de Flamanville 3, suite à une inspection de l’ASN. La compagnie avait pourtant prescrit « un renforcement des exigences de conception, de fabrication et de suivi en service » afin d’exclure la rupture et éviter de la prendre en compte dans sa démonstration de sûreté. L’exigence dite de « haute qualité » n’est donc pas garantie.
Dans sa lettre de suite, datée du 10 mars 2017, l’ASN mentionne : « les exigences spécifiques liées à l’exclusion de rupture ne sont pas connues sur le site et leur respect ne fait pas l’objet d’un contrôle et d’une surveillance. Par ailleurs, les entreprises en charge du soudage des circuits semblent rencontrer des difficultés notables dans la réalisation des témoins de soudage. Néanmoins, les activités de soudage inspectées étaient documentées de manière adéquate et réalisées avec rigueur. »
Dans une note technique mise en ligne le 1er mars 2018, l’ASN explique qu’« EDF a informé l’ASN début 2017 que ces exigences renforcées n’avaient pas été retranscrites au sous-traitant chargé de la réalisation des soudures préfabriquées en usine en 2012 et 2013. Les contrôles menés sur des « coupons témoins » ont montré que ces exigences renforcées n’étaient pas toutes respectées pour ces soudures. » Le problème remonte donc à 2012 et n’a été découvert que très tardivement ! Et d’ajouter que “l’ensemble de ces écarts remettent en question l’atteinte de la haute qualité attendue dans le cadre de la démarche dite d’exclusion de rupture. »
EDF tenait à préciser, dans son communiqué du 22 février, que “toutefois, ces tuyauteries sont bien conformes à la réglementation des équipements sous pression nucléaire. »
Le 10 avril 2018, EDF annonce avoir, dès le 21 mars 2018, “détecté des écarts de qualité dans la réalisation de soudures sur les tuyauteries du circuit secondaire principal de l’EPR de Flamanville”. Ces soudures avaient pourtant été contrôlées par le groupement des entreprises en charge de la fabrication du circuit (Framatome, Nordon et Ponticelli) et déclarées conformes, au fur et à mesure de leur réalisation !
Comme d’habitude, on n’en saura pas plus. L’ASN, dans sa note d’information du 11 avril, n’est pas plus loquace. Pourtant, dans Le Monde, Laurent Thieffry, le directeur du projet EPR de Flamanville, précise : « Sur certaines soudures, nous ne sommes pas conformes à l’attendu standard, y compris vis-à-vis du code de construction nucléaire, et donc cela veut dire qu’elles devraient être reprises pour être remises à niveau » .
150 soudures sont potentiellement concernées et les défauts portent sur l’ensemble du circuit secondaire principal du réacteur. Il ne s’agit donc plus seulement des sections évacuant la vapeur des générateurs vers la turbine, mais aussi des parties ramenant l’eau condensée vers les générateurs de vapeur. A ce stade, il semble qu’EDF ait vérifié 20 soudures et que 7 soient défectueuses, selon les informations d’actu-environnement.
Que ce soit pour la cuve et les soudures, l’EPR est supposé avoir des exigences de sûreté beaucoup plus strictes qui ne sont, in fine, pas garanties. Pire, pour les soudures, les exigences de base ne sont même pas satisfaites et cela a échappé aux premiers contrôles. Mais, rassurez-vous EDF continue à titrer : “L’EPR : vitrine de la filière française” et d’ajouter qu’il s’agit d’“une technologie de référence au niveau mondial”. Ouf !
Ecoutez, à ce propos, le billet d’humeur du 13 avril 2018 de Guillaume Erner sur France Culture.
Dans un communiqué publié le 25 juillet 2018 (lien direct) EDF explique, avoir contrôlé 148 des 150 soudures du circuit secondaire principal de l’EPR de Flamanville. 33 soudures présentent des écarts de qualité et vont faire l’objet d’une réparation. 20 autres soudures vont être refaites car elles ne respectent pas le principe d’exclusion de rupture. Enfin, pour 10 autres soudures, EDF a proposé à l’ASN une démarche de justification spécifique permettant de confirmer le haut niveau de sûreté de l’installation tout au long de son exploitation. On arrive donc à un total de 63 soudures présentant des écarts. Les 85 autres soudures seraient conformes.
Dans son courrier envoyé le même jour (lien direct), l’ASN stipule, pour les soudures laissées en l’état : “Cette démarche soulève de nombreuses questions. Elle nécessitera en tout état de cause des essais et des justifications complémentaires de votre part.”
En conséquence, EDF reporte d’un an le démarrage de l’EPR de Flamanville, à la fin 2019, voire début 2020, et révise le coût de construction qui est porté de 10,5 à 10,9 milliards d’euros (en euros 2015, hors intérêts intercalaires). Le chantier, commencé en 2007, devait coûter 3 milliards d’euros et la centrale démarrer en 2012…