Soudures défectueuses sur l’EPR de Flamanville

Le 22 février dernier, EDF annonçait que des soudures du circuit secondaire de l’EPR qui évacue la vapeur des générateurs de vapeur vers la turbine n’avaient pas la qualité requise. La compagnie n’avait pas informé les sous-traitants des exigences dite de « haute qualité » dans la réalisation de ces circuits. Oups.

Ces écarts ont été identifiés en deux temps, d’abord en 2015, sur des soudures réalisées en usine, puis en 2017 sur les soudures réalisées sur le chantier de l’EPR de Flamanville 3, suite à une inspection de l’ASN. La compagnie avait pourtant prescrit « un renforcement des exigences de conception, de fabrication et de suivi en service » afin d’exclure la rupture et éviter de la prendre en compte dans sa démonstration de sûreté. L’exigence dite de « haute qualité » n’est donc pas garantie.

Dans sa lettre de suite, datée du 10 mars 2017, l’ASN mentionne : « les exigences spécifiques liées à l’exclusion de rupture ne sont pas connues sur le site et leur respect ne fait pas l’objet d’un contrôle et d’une surveillance. Par ailleurs, les entreprises en charge du soudage des circuits semblent rencontrer des difficultés notables dans la réalisation des témoins de soudage. Néanmoins, les activités de soudage inspectées étaient documentées de manière adéquate et réalisées avec rigueur. »

Dans une note technique  mise en ligne le 1er mars 2018, l’ASN explique qu’« EDF a informé l’ASN début 2017 que ces exigences renforcées n’avaient pas été retranscrites au sous-traitant chargé de la réalisation des soudures préfabriquées en usine en 2012 et 2013. Les contrôles menés sur des « coupons témoins » ont montré que ces exigences renforcées n’étaient pas toutes respectées pour ces soudures. » Le problème remonte donc à 2012 et n’a été découvert que très tardivement ! Et d’ajouter que “l’ensemble de ces écarts remettent en question l’atteinte de la haute qualité attendue dans le cadre de la démarche dite d’exclusion de rupture. »

EDF tenait à préciser, dans son communiqué du 22 février, que toutefois, ces tuyauteries sont bien conformes à la réglementation des équipements sous pression nucléaire. »

Le 10 avril 2018, EDF annonce avoir, dès le 21 mars 2018, “détecté des écarts de qualité dans la réalisation de soudures sur les tuyauteries du circuit secondaire principal de l’EPR de Flamanville”. Ces soudures avaient pourtant été contrôlées par le groupement des entreprises en charge de la fabrication du circuit (Framatome, Nordon et Ponticelli) et déclarées conformes, au fur et à mesure de leur réalisation !

Comme d’habitude, on n’en saura pas plus. L’ASN, dans sa note d’information du 11 avril, n’est pas plus loquace. Pourtant, dans Le Monde, Laurent Thieffry, le directeur du projet EPR de Flamanville, précise : « Sur certaines soudures, nous ne sommes pas conformes à l’attendu standard, y compris vis-à-vis du code de construction nucléaire, et donc cela veut dire qu’elles devraient être reprises pour être remises à niveau » .

150 soudures sont potentiellement concernées et les défauts portent sur l’ensemble du circuit secondaire principal du réacteur. Il ne s’agit donc plus seulement des sections évacuant la vapeur des générateurs vers la turbine, mais aussi des parties ramenant l’eau condensée vers les générateurs de vapeur. A ce stade, il semble qu’EDF ait vérifié 20 soudures et que 7 soient défectueuses, selon les informations d’actu-environnement.

Que ce soit pour la cuve et les soudures, l’EPR est supposé avoir des exigences de sûreté beaucoup plus strictes qui ne sont, in fine, pas garanties. Pire, pour les soudures, les exigences de base ne sont même pas satisfaites et cela a échappé aux premiers contrôles. Mais, rassurez-vous EDF continue à titrer : “L’EPR : vitrine de la filière française” et d’ajouter qu’il s’agit d’“une technologie de référence au niveau mondial”. Ouf !

Ecoutez, à ce propos, le billet d’humeur du 13 avril 2018 de Guillaume Erner sur France Culture.

Dans un communiqué publié le 25 juillet 2018 (lien direct) EDF explique, avoir contrôlé 148 des 150 soudures du circuit secondaire principal de l’EPR de Flamanville. 33 soudures présentent des écarts de qualité et vont faire l’objet d’une réparation. 20 autres soudures vont être refaites car elles ne respectent pas le principe d’exclusion de rupture. Enfin, pour 10 autres soudures, EDF a proposé à l’ASN une démarche de justification spécifique permettant de confirmer le haut niveau de sûreté de l’installation tout au long de son exploitation. On arrive donc à un total de 63 soudures présentant des écarts. Les 85 autres soudures seraient conformes.

Dans son courrier envoyé le même jour (lien direct), l’ASN stipule, pour les soudures laissées en l’état : “Cette démarche soulève de nombreuses questions. Elle nécessitera en tout état de cause des essais et des justifications complémentaires de votre part.”

En conséquence, EDF reporte d’un an le démarrage de l’EPR de Flamanville, à la fin 2019, voire début 2020, et révise le coût de construction qui est porté de 10,5 à 10,9 milliards d’euros (en euros 2015, hors intérêts intercalaires). Le chantier, commencé en 2007, devait coûter 3 milliards d’euros et la centrale démarrer en 2012…

Projet de piscines centralisées pour les combustibles usés

Conformément aux exigences règlementaires, EDF a remis à l’ASN, en avril 2017, un dossier d’options de sûreté (DOS) sur son projet de piscines centralisées devant accueillir, en 2030, les combustibles usés non retraités. Ce rapport n’est pas public. Sollicitée lors d’une réunion de dialogue organisée à Paris le 28 mars 2018 par l’ANCCLI et l’IRSN, EDF a refusé de transmettre une version expurgée des données classées par le secret défense. La compagnie a aussi refusé de répondre à la plupart des questions posées par les personnes présentes.

La transparence reste un combat dans le nucléaire. Dans de telles conditions, l’ACRO ouvre une page spéciale avec les informations recueillies sur le sujet.

Revue des pièces forgées au Creusot : EDF a découvert 1 063 anomalies et 233 non-conformités sur 23 réacteurs

Suite à la découverte de nombreuses irrégularités chez Creusot Forge, devenue Framatome, EDF continue sa revue des pièces installées dans ses réacteurs. Un premier bilan avait été publié en septembre 2017. Un deuxième bilan vient d’être mis en ligne.

EdF fait un décompte des écarts de conformité en distinguant les “non-conformités” qui portent sur une exigence interne au fabricant des “anomalies” relatives aux exigences externes réglementaires ou du client. Certaines anomalies s’apparentent à des falsifications, selon l’ASN. Il y a désormais 1 063 anomalies et 233 non-conformités sur 23 réacteurs seulement. D’autres sont donc attendues.

Le détail est dans le tableau ci-dessous. En cas de changement, les chiffres de septembre 2017 sont entre parenthèses.

réacteur nombre de pièces fabriquées par Creusot Forge non conformités anomalies
Chooz 2 27 3 52 (43)
Paluel 4 35 22 55
Saint-Laurent 2 25 8 61 (38)
Penly 1 33 17 29 (27)
Cruas 3 18 3 16
Dampierre 3 29 3 52 (50)
Belleville 2 33 23 46
Tricastin 3 24 4 30 (28)
Chinon B3 18 14 20
Nogent 1 30 13 32
Gravelines 2 23 1 23
Bugey 3 34 19 94 (93)
Nouveaux réacteurs
Fessenheim 2 17 11 50
Paluel 2 20 2 51
Cruas 2 18 14 35
Paluel 1 28 12 74
Cattenom 1 30 17 83
Blayais 2 15 8 35
Tricastin 4 24 3 32
Gravelines 4 21 0 25
Cattenom 3 33 27 48
Tricastin 1 24 8 54
Civaux 2 36 1 66
TOTAL 595 233 1 063

Rappelons que l’EPR de Flamanville 3 est aussi concerné avec 16 non-conformités et 95 anomalies.

Selon EDF, 1 600 dossiers environ concernent des composants installés sur le parc nucléaire en exploitation. La revue est donc loin d’être terminée.

Lien direct la page EdF.

La liste de tous ces écarts de conformité n’est pas publique, comme d’habitude. Impossible de connaître la gravité de ces écarts. La transparence, c’est seulement quant tout va bien…

ACRO : appel aux dons exceptionnel

Fin 2017, l’ACRO lançait un appel aux dons exceptionnel, suite au non renouvellement par la nouvelle région Normandie de la subvention de 23 000 euros précédemment attribuée chaque année par la Basse-Normandie. Près de 300 donateurs y ont répondu. Cela montre leur confiance et leur adhésion à notre mission de vigilance citoyenne. Nous les remercions très chaleureusement.

Ainsi, nous avons récolté plus de 25 000 euros de plus que ce que nous recevons habituellement sur une année. C’est une somme importante, qui va nous permettre de boucler l’exercice 2017. Si nous avons gagné la « bataille » de la trésorerie, nous n’avons pas gagné celle du retour de cette subvention régionale, qui couvrait en partie les frais de l’Observatoire citoyen de la radioactivité dans l’environnement (OCRE).

Nous allons bien-sûr poursuivre nos actions de vigilance aux abords des sites nucléaires, car, une fois de plus en 2017, nous avons constaté que sans notre contrôle, des pollutions ne seraient pas révélées. En est-il ainsi de la contamination en américium et en plutonium du Ru des Landes, près du site de La Hague.

Pour cela, il nous faut assurer la pérennité de nos ressources financières, ce qui suppose plus d’adhérents, plus de donateurs. C’est pourquoi nous encourageons les lecteurs de ce texte à adhérer et/ou à nous soutenir financièrement si ce n’est pas déjà fait.


L’appel aux dons d’octobre 2017

La démarche que nous entreprenons aujourd’hui a un caractère exceptionnel : l’exercice financier 2017 devrait accuser un déficit élevé dû essentiellement à la non reconduction, par la nouvelle région Normandie, de la subvention annuelle de 23 000 euros que nous versait la Basse-Normandie jusqu’en 2016, car notre demande « ne répond pas aux nouvelles orientations de la politique environnementale de la Région Normandie ».

Et pourtant l’action de l’ACRO, grâce à son laboratoire agréé, à ses bénévoles et à son réseau de préleveurs volontaires, est plus que jamais pertinente et donc nécessaire. En effet, face au manque d’informations et aux pressions exercées par les acteurs de la filière nucléaire, l’ACRO agit tel un « contre-pouvoir » pour protéger les populations et leur environnement. Sans l’ACRO, des pollutions ne seraient pas révélées. Ainsi, récemment, nous avons mis à jour une pollution à l’américium et au plutonium aux abords des usines Aréva de La Hague suffisamment importante pour que l’exploitant annonce l’enlèvement des terres contaminées. Nous avons également donné l’alerte sur l’introduction de radioactivité dans des biens de consommation vendus pour des vertus soit disant de « bien être ».

Par ailleurs, l’ACRO siège dans plusieurs commissions mises en place par les pouvoirs publics au niveau local (les CLI par exemple) comme national. Il s’agit d’y relayer les attentes des citoyens en matière de transparence et de sûreté et d’y apporter notre expertise et notre vigilance. L’ACRO s’est ainsi très impliquée pour obtenir une transparence maximale sur le dossier de la cuve de l’EPR et sur les falsifications de pièces à l’usine du Creusot.

Malgré tout ce travail reconnu, l’ACRO fait face à des difficultés financières que nous espérons temporaires. Cela fragilise notre association alors que la vigilance citoyenne est plus que jamais nécessaire dans un contexte de plus en plus critique avec le vieillissement des centrales, les défauts de l’EPR, la gestion incertaine des déchets, etc…

Pour continuer nos actions, nous avons besoin de vous et de votre soutien financier. Sachez que 66% de votre don ou votre adhésion sont déductibles de votre impôt (dans la limite de 20% de vos revenus imposables); ainsi, par exemple, un don de 50 euros ne vous revient en réalité qu’à 17 euros. Vous pouvez effectuer votre versement par chèque (à envoyer à ACRO – 138 rue de l’église – 14200 Hérouville Saint Clair) ou en ligne sur http://www.acro.eu.org/agir-faire-un-don/

Cuve de l’EPR : une consultation pour rien

Suite à la consultation sur son avis provisoire, qui a recueilli plus de 13 000 commentaires, l’ASN a rendu son avis définitif sur la cuve de l’EPR. A noter, qu’outre les commentaires individuels, l’ANCCLI, l’ACRO et la CLI de Flamanville ont également fait part de leurs observations.

Le bilan que l’ASN tire de ces 13 833 commentaires tient en 4 lignes : “L’ASN a complété et précisé son avis, vu les différentes observations du public, en particulier s’agissant de la démarche de justification, du cadre réglementaire applicable et de fiabilité des données provenant d’Areva NP et d’EDF.”

Quant à l’avis, voici les deux versions :

Projet d’avis avant consultation Avis après consultation

L’anomalie de la composition en carbone de l’acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville n’est pas de nature à remettre en cause la mise en service de celle-ci sous réserve des conditions suivantes.

Des contrôles en service capables de détecter les défauts perpendiculaires aux peaux, quelle que soit leur orientation, dans les 20 premiers millimètres à partir des surfaces interne et externe du métal de base devront être mis en œuvre sur le fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville à chaque requalification complète du circuit primaire principal.

L’utilisation du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ne pourra être autorisée au-delà du 31 décembre 2024.

Les engagements d’Areva NP et d’EDF, formulés par les courriers des 6 et 9 juin susvisés, notamment en ce qui concerne le programme d’essais de suivi du vieillissement thermique et les contrôles lors du fonctionnement du réacteur, devront être intégrés dans la demande d’autorisation prévue à l’article 9 de l’arrêté du 30 décembre 2015.

Areva NP devra confirmer, dans cette demande d’autorisation, les chargements mécaniques sur le couvercle dans la situation d’éjection de grappe.

L’anomalie de la composition en carbone de l’acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville n’est pas de nature à remettre en cause la mise en service et l’utilisation de celle-ci sous réserve des conditions suivantes.

Des contrôles en service capables de détecter les défauts perpendiculaires aux peaux, quelle que soit leur orientation, dans les 20 premiers millimètres à partir des surfaces interne et externe du métal de base devront être mis en œuvre sur le fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville à chaque requalification complète du circuit primaire principal.

L’utilisation du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville ne pourra être autorisée au-delà du 31 décembre 2024.

Les engagements d’Areva NP et d’EDF, formulés par les courriers des 6 et 9 juin 2017 susvisés, notamment en ce qui concerne le programme d’essais de suivi du vieillissement thermique et les contrôles lors du fonctionnement du réacteur, devront être intégrés dans la demande d’autorisation prévue à l’article 9 de l’arrêté du 30 décembre 2015.

Areva NP devra confirmer, dans cette demande d’autorisation, les chargements mécaniques sur le couvercle dans la situation d’éjection de grappe.

Encore une consultation pour rien…

Irrégularités chez Creusot-Forge : une pratique très répandue qui affecte tout le parc nucléaire

La découverte d’anomalies dans la composition de l’acier des calottes de l’EPR a entraîné des audits et une revue de qualité chez le fabriquant, Creusot-Forge. Le 25 avril 2015, Areva, propriétaire de la forge, informe l’ASN de la découverte de “dossiers barrés”, c’est à dire marqués par deux barres afin de signaler qu’ils devaient rester internes. Sur les 430 “dossiers barrés”, 283 sont liés à des équipements nucléaires.

La revue des « dossiers barrés » réalisée au cours de l’année 2016 a conduit à la découverte de 87 irrégularités pour des équipements du parc nucléaire français en exploitation. La liste a été publiée par l’ASN.

Exemple d’irrégularité concernant un générateur de vapeur destiné à Gravelines 5. Document rendu public par l’ASN dans cette présentation.

Le cas le plus grave concerne un générateur de vapeur de Fessenheim 2, mis à l’arrêt le 16 juin 2016. Le certificat d’épreuve de ce générateur est suspendu depuis le 18 juillet 2016 et le réacteur est toujours à l’arrêt. Voir notre chronologie.

Selon l’ASN, les générateurs de vapeur sont des équipements particulièrement importants pour la sûreté car ils participent au refroidissement du cœur du réacteur et au confinement des substances radioactives. En 2008, au cours du forgeage de la virole basse en question, Creusot Forge a décidé de ne pas couper une des deux extrémités du lingot, appelée « masselotte », car la longueur était trop courte, mais poursuit la fabrication. La majeure partie de celle-ci est donc présente dans la pièce finale, ce qui peut conduire à la présence d’inclusions dans l’acier et à une composition chimique locale du matériau pouvant dégrader sa soudabilité, son vieillissement et ses propriétés mécaniques.

Extrait du dossier barré concernant le générateur de vapeur de Fessenheim 2 tiré d’une présentation de l’ASN

L’EPR de Flamanville est aussi affecté par ces irrégularités. Là encore une virole aurait dû être mise au rebut pour cause de taux de chutage insuffisant. Le document transmis à l’ASN ne mentionne aucun problème…

L’ASN considère que certaines de ces irrégularités s’apparentent à des falsifications et a porté l’affaire en justice en octobre 2016, comme la loi l’y oblige.

En juillet 2016, Areva procède à un examen par sondage des autres dossiers, non barrés, et découvre rapidement des pratiques similaires à celles détectées sur les dossiers barrés. Elle décide donc de lancer l’examen de tous les dossiers de fabrication de pièces nucléaires qui débute en septembre 2016. Un premier bilan est rendu public un an plus tard.

Sur près de 10 000 dossiers de fabrication présents à Creusot Forge, plus de 6 000 concernent l’industrie nucléaire, dont 1 600 des composants à enjeu de sûreté installés sur le parc nucléaire en exploitation. Selon Areva, environ 170 personnes passent en revue ces dossiers. Et EdF fait un décompte des écarts de conformité en distinguant les « non-conformités » qui portent sur une exigence interne au fabricant des « anomalies » relatives aux exigences externes réglementaires ou du client, qui a donc été grugé. Voir la page dédiée.

A la mi-septembre 2017, un premier bilan portant sur 12 réacteurs du parc en activité, fait état de 130 fiches de non-conformité et 471 d’anomalie. Lors de la réunion du 5 octobre du HCTISN, un représentant EdF a expliqué s’attendre à environ 3 000 fiches de non-conformité ou d’anomalie à la fin du processus prévu pour décembre 2018. Bref, tout le parc nucléaire français est touché par ce scandale majeur. Même l’EPR de Flamanville 3 est concerné avec 16 non-conformités et 95 anomalies. Voir notre chronologie.  Pour ce dernier, EdF précise que :

  • 8 situations nécessitent des analyses complémentaires : reprise de quelques notes de calcul ou réalisation de quelques essais de validation, ces justifications sont en cours de finalisation par AREVA ;
  • 1 situation concernant le positionnement dans le lingot de forge servant à la fabrication d’une virole pour un des générateurs de vapeur, qui nécessite un programme d’essais fondé sur une pièce sacrificielle. Ce programme d’essais est en cours, sous le contrôle de l’ASN.

On n’en saura pas plus. Il n’y a pas que la cuve de l’EPR et ses marges de sûreté rognées qui posent problème…

L’ASN a demandé la prise en compte des effets cumulatifs des défauts de fabrication cachés et une extension de la revue à l’ensemble des pièces moulées. Une fois la revue terminée, des contrôles seront prescrits pour certaines pièces.

L’ACRO demande la publication de la liste de toutes les non-conformités et anomalies détectées assortie d’explications sur leur gravité.

Cuves des EPR : les marges de sûreté sont rognées. Quelles mesures compensatoires ?

Article mis à jour après la communication de l’ASN et de l’IRSN

Les essais effectués par Areva ont confirmé que l’acier au centre des trois calottes sacrifiées pour l’occasion est plus fragile à cause de la trop forte concentration en carbone. On peut donc s’attendre à que ce soit la même chose pour les calottes des EPR de Flamanville et de Taishan en Chine. Mais Areva et EDF pensent que la cuve reste sûre grâce aux marges. Dit autrement, les marges de sûreté ont été rognées et l’ASN et l’IRSN  estiment que cela doit être compensé. Comment ?

Une possibilité consiste à renforcer les contrôles. En effet, si des fissures apparaissent dans la zone où il y a trop de carbone, elles résisteront moins bien à un choc. Or, la cuve ne doit pas lâcher en cas de variation brusque de pression et de température, car ce serait l’accident grave. Si, pour le moment, il n’y a pas de fissure détectable, cela doit être surveillé dans le temps. Dès 2015, l’ASN a donc demandé à EDF une stratégie de surveillance, mais Areva a jugé que cela n’est pas nécessaire !

Areva estimait aussi impossible une concentration trop élevée en carbone au centre des calottes et ne pensait pas nécessaire de faire des contrôles… Et, quand elle s’en est aperçu, la cuve était déjà en place (pour comprendre comment l’industrie nucléaire en est arrivée là, lire notre chronologie). Areva n’a donc pas retenu la leçon.

L’ASN et l’IRSN ont donc réaffirmé leur exigence de contrôles tout au long de l’exploitation de l’EPR, sans que la fréquence ne soit précisée. Si une fissure plus grande que 10 mm de hauteur est découverte, est-ce l’arrêt définitif de l’EPR ? Il ne pourra donc peut-être pas être exploité durant 60 années, s’il démarre un jour.

Il ne faudrait pas que ce soit EDF qui fasse ces contrôles…

La calotte située au fond de la cuve semble facile à contrôler régulièrement, même si cela va engendrer une augmentation de la dose reçue par le personnel. En revanche, pour le couvercle, comme on peut le voir sur le schéma ci-dessus, il y a trop d’instruments et d’équipement pour pouvoir faire des contrôles. EDF a deux ans pour proposer une solution, autrement le couvercle va devoir être changé avant 2024. Selon les médias, EDF en aurait déjà commandé un nouveau.

L’annonce actuelle ne concerne que la qualité de l’acier et ne constitue pas une acceptation de la cuve des EPR de Flamanville et de Taishan. Il y a d’autres contrôles, dont l’épreuve hydraulique, à effectuer auparavant. Les décisions des autorités de sûreté nucléaire française, puis chinoise, sont attendues sur le sujet. La cuve de l’EPR de Flamanville ne sera pas jugée recevable avant 2018.

L’ASN et l’IRSN ont rendu publics leurs expertises et avis. EDF et Areva doivent faire de même ! Quant aux autorités chinoises…

Liens vers les avis du GP ESPN, de l’ASN et de l’IRSN.

Cuve de l’EPR de Flamanville : l’ACRO demande la publication de toutes les pièces du dossier

Communiqué de presse de l’ACRO du 21 juin 2017

Les anomalies de l’acier de la cuve de l’EPR et de nombreux générateurs de vapeur ont entraîné une des crises les plus graves auxquelles a dû faire face l’industrie nucléaire française. Le rapport du Haut Comité à Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) met en évidence la quasi-absence d’information précise d’Areva et d’EdF sur les graves problèmes qui affectent la cuve de l’EPR de Flamanville. Le constat serait le même pour les générateurs de vapeur. L’ACRO réclame donc plus de transparence.

L’association a fait un état des lieux de la documentation disponible et reconstruit une chronologie des évènements sur un site Internet dédié : https://transparence-nucleaire.eu.org.

Ainsi :

  • en ce qui concerne la compréhension du processus qui a conduit à la mise en place d’une cuve comportant des anomalies graves de la composition de son acier, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a mis en ligne tous ses courriers à Areva et EdF. Les réponses ne sont pas publiques. L’ACRO demande leur publication.
  • en ce qui concerne les essais effectués par Areva sur des calottes de cuve sacrifiées, seule la note de synthèse est publique. Il est impossible de savoir ce qu’il y a dans les 21 autres rapports remis à l’ASN. En particulier, il n’y a aucune information sur les scénarios alternatifs si la cuve n’était pas bonne pour le service. L’ACRO demande la publication du dossier complet remis par Areva à l’ASN.

Ces demandes ont été formulées par l’ACRO au sein du HCTISN et la réponse des exploitants a toujours été négative. Ils ne publieront que ce qui est obligatoire. Le 6 décembre dernier, dans un avis concernant les générateurs de vapeur, le HCTISN avait demandé « que les documents échangés entre l’ASN et l’exploitant soient communiqués, sous réserve des secrets protégés par la loi. » L’ASN l’a fait, pas EDF.

L’ACRO demande donc une modification de la réglementation pour obliger les exploitants du nucléaire à être plus transparents.

Citations du rapport du HCTISN :

  • “Le HCTISN note que la communication réalisée par l’exploitant EDF et le fabricant AREVA à destination du public sur ce sujet est plus succincte.”
  • “Le HCTISN considère qu’AREVA et EDF devraient rendre publiques les réponses aux courriers que l’ASN leur a adressés depuis 2006 sur la fabrication de la cuve, afin d’améliorer la compréhension du public sur ce dossier.”
  • “Le HCTISN estime également qu’une communication de la part d’EDF et d’AREVA auprès du public sur les scénarios techniques alternatifs envisagés dans le cas où l’instruction conduirait à ne pas accepter le couvercle et le fond de cuve permettrait également de compléter son information sur l’ensemble du dossier et notamment sur les conséquences potentielles liées à l’anomalie de la cuve.”
  • “Le HCTISN recommande en particulier à EDF et AREVA de rendre public le rapport définitif des analyses effectuées dans le cadre de la démarche de justification de l’aptitude à la mise en service de la cuve de l’EPR sur la base duquel l’ASN donnera sa position et d’informer le public des solutions alternatives envisagées si l’aptitude à la mise en service de la cuve n’est pas démontrée.”

Editorial : les calottes sont cuites

Tout a commencé par un changement de réglementation en 2005. Au lieu de contrôler la concentration en carbone de l’acier uniquement dans les parties les plus sollicitées, il fallait désormais faire des contrôles en d’autres points, dont le centre des calottes de cuve de réacteur ou de générateurs de vapeur. Areva, le fabricant, et EdF, le client, étaient tellement sûrs d’eux qu’ils n’ont pas jugé utile d’effectuer les contrôles supplémentaires avant d’installer la cuve de l’EPR à Flamanville, malgré les mises en garde de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN).

Il a fallu insister pour que les contrôles soient faits et là, mauvaise surprise, le taux de carbone est trop élevé. Cela change la résistance de l’acier, le rendant plus vulnérable aux chocs physiques et thermiques.

L’affaire est grave car la sûreté nucléaire exclut l’hypothèse d’une défaillance de la cuve qui doit donc être suffisamment robuste en toutes circonstances. Il n’y a pas de cuve de secours. Et les deux EPR chinois sont aussi concernés.

C’est la forge du Creusot, propriété d’Areva qui a forgé les pièces incriminées. Qu’en est-il des autres pièces produites ? A la demande des autorités, EdF est allée contrôler ses générateurs de vapeur, dont la défaillance est aussi exclue. Et là, nouvelle surprise, il y avait aussi trop de carbone sur certaines calottes. Le taux est même plus élevé pour celles fabriquées au Japon. Tous les forgerons sont-ils concernés ? Le scandale français prend une dimension mondiale.

L’ASN a demandé l’arrêt des réacteurs concernés en attendant les investigations complémentaires. EdF se veut rassurante, comme à l’accoutumée, et a réussi à convaincre les autorités de remettre en route certains réacteurs à la condition que la remise en service soit plus lente pour que les variations de température soient plus douces : un jour supplémentaire est requis pour la montée en puissance et un autre pour l’arrêt. Attention, fragile !

De même, l’EPR, fleuron de la technologie nucléaire française, risque d’être aussi bridé s’il est autorisé à démarrer. Mais bon, EdF prévoit toujours sa mise en service dans deux ans… depuis 2012 !

Les investigations de l’ASN ne se sont pas arrêtées là. En fouillant dans les documents de la forge du Creusot, elle s’est rendue compte qu’il y avait des chiffres qui clochaient. Les données des archives internes ne correspondaient pas aux données reçues. Un générateur de vapeur de Fessenheim 2 a même perdu son “certificat d’épreuve” ce qui empêche tout redémarrage. L’ASN a saisi la justice devant ce qui s’apparente à de la falsification. Cette dernière découverte a ébranlé les autorités et c’est tout le contrôle qui est à revoir. En plus de contrôler les dossiers techniques, il faut vérifier leur sincérité. La réforme va prendre du temps. En attendant, d’autres surprises pourraient surgir.

Malgré cette crise sans précédent, EdF et Areva n’ont rien à dire : aucun document technique sur leurs sites Internet, que quelques communiqués lénifiants.

En Belgique, suite à la découverte de défauts dans l’acier des cuves des réacteurs nucléaires, l’Agence fédérale de contrôle nucléaire, a mis en ligne une page spéciale avec

  • ses propres avis et les rapports qui sous-tendent sa décision ;
  • les dossiers de justification d’Electrabel, l’exploitant ;
  • les analyses indépendantes du Service de Contrôle Physique d’Electrabel.

En France, EDF et Areva refusent de rendre publics leurs documents techniques.

L’ACRO demande donc une plus grande transparence avec la publication de tous les documents relatifs à cette affaire. Elle exercera une grande vigilance.